Lave-linge, quelle passion !

Zrang, zrang zrang…cela était le bruit produit par le lave-linge. Lors de l’essorage c’était comme si une fusée se préparait à décoller depuis la maison.

Il y a un mois un des deux roulements du tambour a cédé par usure.

Le lave-linge, un Bosch Logixx 8, date de 2014 et il avait couté 960€.

En 9 ans d’activité, avec une utilisation moyenne lissée sur l’année d’une fois par jour, cela lui fait bien 3200 cycles de lavage. Il est vendu pour 9 kg max, à 7kg par cycle en moyenne, il a lavé et essoré environ 22 400 kg de vêtements !

Une prestation de changement des roulements par un technicien professionnel couterait environ 300€ (pièces et main d’œuvre).

Le prix d’un lave-linge de la même marque et avec des fonctionnalités similaires (donc légèrement obsolète) est autour de 600€.

Est-ce que l’on serait prêts à mettre la moitié sur la réparation en sachant qu’il a 9 ans et qu’il pourrait très prochainement présenter d’autres problèmes ?
C’est bien cela le problème, cet écart de prix trop faible. Est-ce que c’est le montant de la réparation qui est trop élevé ou le prix du neuf trop bas ?

J’ai décidé d’effectuer cette intervention par moi-même. Je ne documenterai pas le procédé car pour cela il existe bien une panoplie de tutoriels produits par des réparateurs professionnels bien plus compétents que moi.

Je rédige cet article pour une autre raison : celui d’encourager celles et ceux qui pourraient se trouver dans une situation équivalente à faire de même. Un lave-linge est un objet lourd, il se prêt mal à être déplacé dans un « Repair café » pour se faire donner un coup de main. Il s’agit normalement d’un électroménager que l’on répare sur place.

Son poids : 79 kg

De quoi exactement ?

  • Béton du lestage
  • Verre du hublot
  • Acier
  • Aluminium
  • Différents polymères
  • Des métaux rares dans l’électronique et dans le moteur

Notre objectif est donc celui d’éviter que ces 79 kg partent à la déchetterie.

Au travail !

Sur le site du constructeur l’on trouve une page avec le descriptif :

https://www.bosch-home.fr/liste-des-produits/WAS327B1FF#/Tabs=section-technical-overview/Togglebox=manuals/Togglebox=accessories/

Je le démonte complétement.

Comme il s’agit d’un modèle à hublot il faut sortir le tambour de la cuve et donc ouvrir cette dernière.

J’extrais les deux roulements. Un est complétement cassé alors que l’autre est presque en bon état (extérieur).

Sur le site de la société SOS Accessoire, je commande un kit et je le reçois 3 jours plus tard.

Le kit comprend :

  • Les deux roulements
  • Le joint de roulement
  • Le joint des demi-cuves
  • Un tube de graisse pour hautes températures
  • Un jeu de vis dont je n’aurai pas l’utilité

Alors que l’extraction des roulements pourrait être l’action la plus pénible, leur installation est bien la plus délicate.

Les deux roulements ne tiennent que par leur compression une fois insérés.

Cette opération est effectuée en usine en utilisant en robot à très haute précision. La partie centrale de la demi-cuve est maintenue, le robot vient introduire les deux roulements sur leur axe en lui appliquant la force nécessaire calibrée pour cette insertion et avec une distribution homogène sur la couronne circulaire extérieure.

Par ailleurs l’opération se fait sur des pièces neuves qui n’ont aucun résidu, aucune déformation due à l’usure.

A la maison nous ne disposons pas d’un tel outil.

Il va falloir trouver un autre moyen.

Le fabriquant est le japonais NSK et les références sont les suivantes :

  • 6305Z
  • 6207Z

Le datasheet indique que les deux roulements sont construits en Acier GCr15.

Il s’agit d’un acier dur adapté aux hautes températures.

Son coefficient de dilatation thermique linaire doit être autour de 10^-5/℃

Il fait 20°C dehors et -28°C dans le congélateur. Cela nous fait 48° C d’écart.

Acier : α = 11 × 10-6 K-1.
DL = α x L0 x DT
DL = 11 × 10-6 x (0.06206) x (20 – (-28)) = 11 x 10-6 x 62.06 x 10-3 x 48 =

(11 x 62.06 x 48) 10-9 = 32767.68 x 10-9 = 32.76768 x 10-6 = 3.276768e-5 = 0.00003276768 m = 0.03276768 mm

Cela peut valoir le coup car même si la rétraction est minime, elle va me permettre de moins solliciter le roulement que je vais introduire avec une massette !

Je place les deux roulements au congélateur et après quelques heures je vérifie expérimentalement mon calcul.

A la maison je n’ai rien d’autre qu’un pied à coulisse Vernier 1/50 donc avec une précision de 0.02mm. Je remarque qu’il a une erreur considérable au zéro mais comme (cette fois) ce qui m’intéresse c’est la vérification d’un écart, l’erreur ne me gênera pas.

Donc je décide d’arrondir au deuxième chiffre après la virgule. L’écart attendu est 0.03 mm

Dilatation des roulements

Référence T – 28° C T 20° C DL
6305Z 62.04 mm 62.10 mm 0.06 mm
6207Z  72.04 mm 72.12 mm  0.08 mm

Pour la référence 6305Z :
62.04 mm ± 0.02mm : entre 62.02 et 62.06 mm
62.10 mm ± 0.02mm : entre 62.08 et 62.12 mm

La dilation la plus petite peut être de -0.02 mm (62.06 mm – 62.08 mm)
La dilation la plus importante peut être de -0.08 mm (62.04 mm – 62.12 mm)

Pour la référence 6207Z :
72.04 mm ± 0.02mm : entre 72.02 et 72.06 mm
72.12 mm ± 0.02mm : entre 72.10 et 72.14 mm

La dilation la plus petite peut être de -0.04 mm (72.06 mm – 72.10 mm)
La dilation la plus importante peut être de -0.12 mm (72.02 mm – 72.14 mm)

Ces valeurs confirment une certes dilatation négative.

La valeur de l’écart est comparable avec la précision de l’instrument. A cette erreur il s’ajoute celle de la lecture.

[Je remercie @Hugo Van Steeen qui a contribué à l’amélioration de ce chapitre grâce à ses observations)]

J’insère les deux roulements.
Je remonte l’ensemble du lave-linge.

Je démarre un cycle de lavage à vide. Tout semble fonctionner correctement.

Je démarre un cycle de lavage avec du lange. Tout semble encore bien fonctionner.

La réparation est terminée.

Je ne pouvais m’en empêcher alors j’ai prolongé la séance d’une trentaine de minutes.

RPM
Le constructeur indique une vitesse d’essorage de 1600 tr/min alors que l’afficheur indique 1200.

À l’aide d’un tachymètre laser je prends deux mesures :

  • Lavage 50 tr/min
  • Essorage 1147 tr/min

La vitesse mesurée lors de l’essorage est très proche à 1200 tr/min. Compte tenu que mon tachymètre n’est pas un système professionnel de très haute qualité, il se peut que la vitesse réelle soit même plus proche à celle attendue. Néanmoins j’ai pu constater une stabilité sans faille pendant toute la durée de la mesure.

Niveau sonore
Le constructeur déclare deux niveaux sonores :

Niveau sonore au lavage               50
Niveau sonore à l’essorage          74

Je ne dispose pas d’un phonomètre professionnel.

Je décide alors de faire autrement. Avec une carte audio j’enregistre tout le cycle et j’extrais deux échantillons : un pour le lavage et l’autre pour l’essorage.

Pendant l’essorage je mesure 81 dB donc 7 dB de trop. Le produit a quand-même 9 ans et il reste tout à fait acceptable.

Pour l’enregistrement j’ai utilisé un microphone typique d’ordinateur qui aura surement un spectre de fonctionnement plus large que celui que je pourrais trouver dans un téléphone. On doit tout de même se contenter d’une observation sur une bande de fréquences audibles pour l’humain mais je n’ai pas actuellement mieux.

En regardant l’analyse spectrographique je remarque un pic d’énergie autour des 300 Hz. Cela attire toute mon attention. Je n’avais pas cette situation avant le changement des roulements.

Etant 1 Hz égale à 60 tr/min l’on peut trouver que 300 Hz fait exactement 18 000 RMP.

J’ai remonté le lave-linge et je n’ai pas envie de le démonter (par pour aujourd’hui en tout cas 😊).

La prochaine fois où cela arrivera je ferai un calcul du rapport de transmission.
Je pari que 18 000 tr/min c’est bien la vitesse de rotation du moteur !

Etant les roulements très silencieux, la plus grosse partie de l’énergie transmises sur les 81 dB est sur cette harmonique à 300 Hz que l’on voit maintenant très bien.

Analyse spectrographique avant le changement des roulements (essorage):

 

Analyse spectrographique après le changement des roulements (lavage) :

Analyse spectrographique après le changement des roulements (essorage) :

On peut revenir à nos 79 kg.

Les déchets sont devenus 565 g constitué essentiellement d’acier et quelques grammes de caoutchouc.

Je tiens à remercier mon cher voisin Dominique qui m’a accompagné pendant toute cette belle aventure de remontage.

Une pensée toute particulière pour Erwan et Jérémy qui sont souvent mes sources d’inspirations autour de sujets comme l’environnement, l’obsolescence programmée, l’ingénierie de toute sorte.

Je serais content de savoir qu’un jour j’étais moi aussi source d’inspiration pour quelqu’un d’autre.

Le prochain article concernant l’électroménager aura comme titre : anatomie d’un lave-linge. Si ce sujet t’intéresse n’hésite pas à repasser par ici.

S’éduquer, c’est apprendre à résister !

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